Si je garde de mon enfance de petit algérois la mémoire de nombreux évènements, parmi ceux-là, deux temps forts me marqueront à vie: la victoire de champion du monde de Marcel Cerdan en 1948, et sa disparition en 1949.
Cette nuit de Septembre 1948, boulevard Bru à Alger, ce fut ma première nuit blanche autorisée, j’avais alors 8 ans: mon frère, mes cousins, mes parents, oncles et tantes étions de veille, agglutinés autour de ce poste de TSF, représentant sur une moitié de sa face avant l’image d’une mappemonde où nous pouvions voir le pays d’où nous parvenaient les commentaires du journaliste sportif. Quelle belle veillée remplie de Chuuut! de cris de joie, de rires et de larmes!(et de bâillements…) Ce fut un match de boxe qui dura longtemps, jusqu’à 4h du matin, Marcel Cerdan devenait champion du monde dans sa catégorie en gagnant par K.O. technique le redoutable Tony Zale au 12ème round!
Ah dès le lendemain, il fallait ensuite nous retenir nous les garçons après cela!Nos disputes? nous voulions les transformer en matches de boxe, le noble art quoi! A l’un d’amener deux tabourets , à l’autre de nous chronométrer à l’aide d’un réveil, au dernier d’envelopper nos poings à l’aide de serviettes de table…avant de sonner le gong sur une casserole…à la joie de nos pères, spectateurs amusés… tous fanas de boxe.
Le deuxième temps fort c’est un matin triste le 29 octobre 1949. Octobre est déjà un mois chagrin pour nous, jeunes écoliers, qui abandonnions les jeux de plage et les carrioles. Les escaliers de notre école de la rue Franklin résonnaient toujours de nos cris et clameurs lorsque nous descendions dans la cour de récréation, mais ils devinrent ce matin là à 11 heures, subitement silencieux : seuls quelques murmures et nos pas descendant les marches de l’étage. La nouvelle venait de frapper et semait l’étonnement, l’incrédulité, la révolte et l’horreur: “Marcel Cerdan est mort, mort!”
Je réalisai alors que les célébrités elles-mêmes pouvaient disparaître et que leur statut d’idole ne les protégeait en rien de la mort que l’on soit champion du monde ou violoniste virtuose. Je découvris, depuis, l’existence de ces maudites montagnes des Açores jusque là de moi, inconnues. J’imaginai…le choc, la mort…et puis il y eut les cauchemars…La presse s’empara de l’évènement, on dévora les photos de Paris-Match et celles d’autres journaux qui nous relataient, entre autres, la générosité de ce père retrouvant ses garçons au retour de ses victoires, les bras chargés de cadeaux (nous vivions un peu de vos joies, par procuration…)
Le trait essentiel qui m’a marqué chez Marcel Cerdan c’est sa gentillesse, et aussi son humilité : un enfant (de par sa sensibilité) sait reconnaître ces qualités. Et ces qualités je les ai recherchées depuis, chez d’autres boxeurs, bien souvent ceux qui les possédaient gagnèrent des ceintures, mais leurs victoires ne m’ont jamais communiqué autant de bonheur.
A cette époque nous sortions des deuils et des pleurs de la guerre, cet homme incarnait la résistance d’endurer ce sport cruel mais aussi la volonté de gagner.
Grâce à lui nous retrouvions le courage et la dignité, le bonheur.
http://www.marcelcerdan.com/1.aspx
http://www.ffboxe.com/news-8714-marcel_cerdan_naissance_d_un_mythe.html