Dimanche 31 mai 2015
Avec les plus aimés, amis, filles et femmes aimantes, il me faut un peu paraître, dissimuler un peu. Avec ma mère, je n avais qu à être ce que j étais, avec mes angoisses, mes pauvres faiblesses, mes misères du corps et de l âme. Elle ne m aimait pas moins. Amour de ma mère, à nul autre pareil.
Albert Cohen. Le Livre de ma mère
” D…! on vous demande dans la cour “…
Qui peut me demander durant le cours? Je suis encore perplexe lorsque je sors de la classe et ferme la porte. Un coup d’œil par la fenêtre donnant sur la cour enneigée, me fait reconnaître une silhouette familière, chaussée de ses bottines et emmitouflée dans son manteau noir trop léger, la tête recouverte de son écharpe grise , elle attend patiemment, elle a froid dans cette matinée glaciale de Janvier. Je la vois dodeliner de la tête, à gauche et à droite comme si elle cherchait de loin, à voir apparaître dans le préau, de sa vue de myope réajustant ses lunettes , celui qu’elle est venue rejoindre depuis l’autre bout de Paris, son fils: moi.
Je traverse la cour pour la rejoindre et avant que je n’aie pu prononcer une parole, elle me glisse dans la main une liasse de billets en me disant sur un ton qui n’admettait pas de réplique!:
“Ton père et moi , on veut que tu continues les études!”…
Je suivais alors des cours dans une école de laboratoire privée, et mes parents, compte tenu de leurs revenus avaient des difficultés à épargner les lourdes mensualités de cette scolarité. Ce matin-là était le dernier jour que l’établissement m’avait fixé pour m’acquitter de cette somme. J’avais mis ma mère au courant depuis quelques jours, et le matin au moment de partir, je me rendis compte, n’osant la lui rappeler, qu’elle avait oublié cette échéance tant elle était préoccupée par ailleurs . Je lui dis donc avant de la quitter, bêtement, sans la ménager, que je ne voulais plus suivre ces cours et que j’allais abandonner cette école, trop chère. Je me sentais tellement embarrassé chaque mois pour leur rappeler cette obligation…Un moment d’humeur stupide de ma part et j’entends encore maman me dire depuis le palier, alors que je dévalais les escaliers: ” Guy, reviens, je vais demander à ton père, attends!”…
Comme je m’en voulais alors! Comme si une détermination stupide de ma part m’avait obligé à ne pas réfléchir aux conséquences, de mon comportement, à ne pas temporiser. Curieusement, plus la peine injuste qui, du fait de mon attitude , affectait ma mère me faisait souffrir, et plus ma peine dominerait mieux celle que j’aurai en quittant cette école…Et c’était juste que je souffre. Et que ma souffrance soit plus grande que celle que je lui infligeais. Compliqué…
Combien d’amour de maman il y avait dans cette anecdote que je raconte avec émotion et remords. Et combien, elle, qui n’est plus de ce monde, m’accompagne dans ma vie!
Combien d’amour indéfectible a-t-elle donné à chacun de ses enfants!
Combien nos mamans sont capables d’abnégation, de don de soi, courageuses, entreprenantes et combien les autres mamans: nos femmes et nos filles, leur ressemblent!
Honneur à vous les mamans, les mamans seules et les futures mamans!