“Ça commence comme un rêve d’enfant,
On croit que c’est dimanche,
Et que c’est le Printemps…”
“Ça commence comme un rêve d’enfant” Julien Clerc (1979)
Mai 68…Mai 2018…Cinquante années ont passé…
Un demi-siècle a donné naissance à une autre vie depuis ce printemps de mai 68… On évoque ici et là le cinquantenaire d’une période qui n’intéresse plus probablement que les grands-mères et les grands-pères que nous sommes depuis devenus.
Aujourd’hui, je ne me souviens plus nettement comment j’ai pu me sentir concerné par ces évènements. Quelle a été ma prise de conscience , pourquoi, comment et à partir de quand? Pour m’aider en cela, j’ai voulu retrouver la chronologie historique. Chronologie historique, une expression mal appropriée, plus adaptée pour restituer une longue succession de faits étalés dans le temps plutôt que l’ampleur des bouleversements qui se sont succédés en une période très courte, mais n’est-ce pas là, ce qui caractérise entre autres , une révolution?
Salut camarade!…
A cette époque, je consacrais mon temps en partie à des études de sciences à la faculté de Jussieu (l’ancienne Halle aux Vins) et à la Sorbonne. J’étais un étudiant peu assidu, du fait de l’aide que j’apportais à mes parents dans l’exploitation de leur petit café-restaurant, situé rue Léon dans le 18ème arrondissement.
Je parle de cela car à 28 ans, j’étais plutôt, pour diverses raisons, un étudiant attardé…avancé en âge, et doublé d’un travailleur débutant…du fait de petits boulots “intermittents” glanés ici et là, durant de courtes périodes et pendant les vacances universitaires d’été. Découvrir, comprendre, apprendre. Cette attitude a toujours fait de moi un ignorant permanent avide de savoir. Et même aujourd’hui encore, cela me convient bien.
Je ne peux évoquer mai 68, sans nommer mon ami, l’italien, Lorenzo, avec lequel j’ai partagé ces évènements. Immigré avec sa famille en Normandie, à la fin des années 40, il était horloger de métier, et comme moi, étudiant salarié. Il deviendra plus tard un brillant chercheur et professeur de génétique à l’université de Rome.
Nous avions lui et moi, du fait de notre âge, de notre histoire personnelle et de notre statut social particulier, un certain recul lors des prémices de ce mouvement. Ainsi, dans les amphis lors des premières assemblées générales, nous étions les premiers à rire de ceux qui nous saluaient sans nous connaître, d’un chaleureux “salut camarade!..” Nous en abusions même un peu à notre tour, en réveillant du même salut tonitruant, la main levée, suivi d’un gros rire bien gras, quelque pauvre étudiant ou étudiante surpris(e) et désorienté(e) que nous croisions dans les couloirs de la fac, à la recherche de sa salle de travaux dirigés…Et ainsi de même, dans la rue, aux abords de la Faculté.
Le monde était malade…
Ce que j’ai retenu de ces années-là c’est que le monde était bien malade.
Le premier souvenir qui me revient, sans savoir pourquoi celui -ci en particulier, est l’occupation de l’Université Columbia en avril 68, dans un climat de protestations et de ségrégation raciale. C’est au cours de ce même mois d’Avril que Martin Luther King est assassiné, évènement tragique qui surprit le monde entier et embrasa plus d’une centaine de villes aux Etats Unis, engendrant morts et blessés. Si l’on ajoute à cela la guerre au Vietnam et les mouvements de protestations qu’elle a suscités au sein de la jeunesse mondiale, on peut comprendre l’extension d’une sorte d’internationale étudiante prête à intervenir ici et là dans les luttes sociales et politiques.
Ainsi on peut dresser un tableau impressionnant de désordres sociaux tant en Tchécoslovaquie avec le “Printemps de Prague”, qu’en Pologne ou en Allemagne, en Italie, en Angleterre, en Espagne, mais ce n’est pas mon propos, Google répond par plus de vingt trois millions de résultats à la question “Mai 68″…
la mix-cité …universitaire
Autres faits dont je me souviens, c’est de cette époque où j’entends pour la première fois le nom de Daniel Cohn-Bendit surnommé intentionnellement “Dany le Rouge” , à connotation physique ou politique ou physico-politique.
Dans ce que l’on retient aussi, de plus en plus souvent à la radio ou à la télé lors des bulletins d’informations, ce sont les mots “interdit”, “interdiction”, “interdire”, “occupation” etc…
On parle aussi beaucoup du “Mouvement du 22 Mars”, de Nanterre, de la “mix-cité” absente dans les cités universitaires.
Et je commence à être un peu plus attentif, en effet le problème des cités, je connais un peu: j’ai occupé une chambre en résidence universitaire d’Antony de 1965 à 1967. Je repasse souvent aujourd’hui devant ce centre de “détention”, lequel, vu de l’extérieur n’a pas vraiment changé depuis un demi- siècle.
Je n’y vivais que par courtes périodes de un mois ou deux, selon l’importance du partiel que j’avais à passer. Les chambres jumelles communiquant par une petite salle d’eau, comportaient un mobilier très restreint. De petits appartement étaient reservés aux jeunes ménages avec ou sans enfants. A cette époque, il était courant d’enregistrer chaque mois, une tentative de suicide, réussie ou avortée, d’où l’existence d’un “Bureau d’Aide Psychologique Universitaire”.


Les bâtiments se succédaient, repartis sur une dizaine d’hectares, aussi lorsque je regagnais ma chambre, après les maigres repas servis au restaurant, j’avais de nouveau faim. Heureusement, j’allais souvent compléter mon dîner dans une petite cantine, secrète, non officielle. Elle avait été aménagée par deux étudiants africains dans un petit appartement du rez-de-chaussée, et on y servait pour pas cher, des plats aux arômes fort appétissants, dans une ambiance très conviviale.
Durant ces deux années je n’ai fait qu’apercevoir mon voisin occupant la chambre mitoyenne à la mienne, quelques politesses brièvement échangées le matin ou le soir. Les couloirs interminables des bâtiments, au sol linoléum brillant, alignaient des dizaines de chambres à l’étage, aux portes toujours fermées, aux espaces communs peu fréquentés et peu enclins à l’être. En dehors du hall d’accueil et du restaurant, peu d’opportunités nous étaient offertes pour connaître l’autre.
Les règlements asphyxiants et leurs interdictions auront tôt fait de révolter cette jeunesse étudiante, même si dans cette résidence la mixité ne sera tolérée qu’à partir de 1967, elle sera l’un des premiers combats, puisque déjà le 21 Mars 1967, des étudiants de la résidence universitaire de Nanterre occuperont durant la nuit entière le bâtiment des filles.
Paris en colère…
Et puis dans mon souvenir, sans pouvoir ordonner chronologiquement tous les évènements de ce premier mois du printemps, des images, des odeurs, des cris, des faits saillants, restent encore présents.
Ainsi à Saint-Michel, dans l’après-midi, une manifestation calme et serrée, descend le boulevard en direction de la Seine, je reconnais le journaliste Jean-François Kahn, agitant ses mains en discutant avec son voisin.
Est-ce le même jour où nous saluions de la main et de la voix , à l’angle de la rue Monge et de la rue du Cardinal Lemoine, Léo Ferré, immobile, ému aux larmes lequel, voyant notre manifestation rejoindre la Sorbonne, nous envoya des baisers en signe d’encouragement?
Qui sont ces personnalités présentes, connues, du spectacle, du cinéma ou de la politique dont je ne me souviens plus très bien, que nous avions croisées de si près, à tel point que j’étais étonné qu’elles ne me reconnaissent pas?…comme si nous nous connaissions!
Paris riche de son histoire révolutionnaire, Paris cette ville impétueuse, insoumise rebelle, “Paris en colère”, si bien décrite par Maurice Vidalin et chanté par Mireille Mathieu:
“Que l’on touche à la liberté et Paris se met en colère”…
Ce Paris allait connaître une nuit charnière, sanglante, terrible, celle du vendredi 10 mai.
La nuit des barricades…
Ce soir-là, après avoir assisté dans l’après-midi à la manifestation de la Place Denfert-Rochereau et qui se dispersera dans l’ordre, je l’avais quittée après être passé devant la prison de la Santé. Je me trouvais de plus en plus de raisons de fréquenter ces cortèges de protestations. Je rejoignis le domicile familial pour goûter au repas shabbatique. Les nouvelles que j’entendis au cours de la soirée laissaient entendre que des négociations se poursuivraient au sujet de la réouverture des facultés et de la tenue des examens. Et puis un peu plus tard, on parla d’une première barricade dressée au Quartier Latin…Et puis une autre , et encore d’autres…J’eus l’oreille collée à mon poste transistor une bonne partie de la nuit…
C’est le lendemain matin, tôt, que rendu sur les lieux, je découvris l’étendue des dégâts. Cette vision me ramena quelques années en arrière, lors de mon service militaire effectué près d’Alger, aux lendemains des barricades et du blocus de Bab el Oued…Tristes souvenirs. Une forte odeur de gaz lacrymogène restait encore présente dans l’air du Quartier Latin. Des étudiants rencontrés près de Jussieu j’appris que des dons de sang étaient demandés dans les services des hôpitaux.
Je me rendis aussitôt à l’Hôpital de la Salpetrière où une antenne de collecte de sang était installée, des personnes allaient et venaient, nous étions nombreux à donner notre sang et pas seulement que des étudiants.
Je retournai à la Faculté des Sciences de Jussieu et j’appris que de nombreux blessés, dont certains d’origine étrangère, pas toujours en situation régulière, pas forcément étudiants étaient soignés dans un amphi par des étudiants en médecine. Peut-être était-ce dans l’amphi 34 que j’entrai alors. Ici encore même odeur de gaz lacrymogène imprégnée aux vêtements des manifestants blessés, ramenés ici pour être soignés discrètement, dans les petites salles d’études attenantes à cet amphi.
Nous nous réunîmes à quelques uns dans cet amphi et nous reparlâmes de cette nuit d’émeutes dramatique. J’appris qu’il y eut de très nombreux blessés des deux côtés , manifestants et forces de l’ordre. Le récit de cette répression brutale et aveugle fera les premières de la presse quotidienne dès le samedi. Jacques Monod , prix Nobel de Médecine parcourut tout au long de la nuit le Quartier Latin à la recherche de blessés, il aura même été au Commissariat du Vème pour s’assurer qu ‘il n’y avait pas eu de morts. Il était l’un de nos professeurs comme Lwoff et Jacob, lauréats du prix Nobel avec Monod, et Slonimski, qui prônaient la modération lors des assemblées générales dans les amphis, sans être indifférents à ce mouvement qui s’amplifiait et qu’ ils considéraient comme une promesse pour l’avenir.

C’est quoi ce président?…
J’étais particulièrement sensibilisé sur la situation des étrangers, étudiants ou non, présents lors des manifestations auxquelles Lorenzo et moi participions, dailleurs certains pris en défaut seront reconduits à la frontière . Je ne sais plus comment, un après-midi ( était-ce après la mobilisation du monde du travail le 13 mai) nous nous sommes retrouvés lui et moi au Centre Censier, devant les portes d’ un amphithéâtre bondé de monde. Lorenzo et moi rejoignîmes un groupe de jeunes, dont certains parlaient italien. C’était des étudiants étrangers modérés, conscients de la précarité de leur situation qui voulaient faire passer un message de modération à l’assemblée. Il fut décidé que moi, une personne neutre en tant que français, j’aurai à assurer la présidence de cette assemblée générale consacrée à la situation des étudiants étrangers…Siègeraient à la tribune tous ces étudiants modérés auxquels je donnerai préférentiellement la parole au cours du débat public qui allait avoir lieu…Je sais que les choses allèrent très vite, l’amphi était rempli de haut en bas de personnes de tous âges… Cette “prise de pouvoir” et la mission qui m’était confiée me mirent très mal à l’aise et je fus très rapidement interpellé par un étudiant africain :
– C’est quoi ce président qui donne la parole toujours aux mêmes personnes?
Hé oui, Il avait raison…Il fut demandé à l’assistance si je devais continuer ou non à présider cette assemblée qui devint vite tumultueuse…et bien évidemment devant la forêt de mains levées je dus rejoindre les coulisses la queue entre les jambes. Pourquoi avais-je accepté de jouer un tel rôle? Aujourd’hui encore , je pense que la fin justifiait les moyens et même si je me suis senti manipulé, j’ai cru honnêtement apporter ma modeste contribution à l’amélioration du sort de certains étudiants étrangers.
Les grilles restèrent fermées…
Un autre évènement nous mit aussi dans une situation délicate qui donna à réfléchir.
Il est vrai que Lorenzo et moi donnions à notre entourage l’impression d’une certaine désinvolture. Il nous arrivait de rire, plus souvent de nous-mêmes que des autres, et dans les discussions auxquelles nous étions mêlés, nous tentions toujours de ramener les beaux discours à la réalité.
D’une certaine manière, notre âge et notre statut d’étudiant-travailleur nous mettaient en retrait , en quelque sorte, comme si nous assistions en spectateurs aux seules scènes qui nous intéressaient. Ajoutez à cela notre tempérament commun de méditerranéen et un empressement de séducteurs qui faisaient glousser des filles de l’amphi…Bref, on aurait pu nous prendre pour des “charlots”!
Mais nous étions souvent sérieux, et nous passions de nombreuses soirées dans cette faculté de Jussieu. C’était une faculté occupée , du moins elle se revendiquait en tant que telle: la grande grille d’accès côté Quai Saint Bernard restait constamment fermée et ne s’ouvrait que rarement pour laisser entrer et sortir les voitures dont les conducteurs étaient “connus”. Qui en décidait?…un “comité”…. L’accès sur le parvis côté Place Jussieu, restait libre et accessible seulement aux piétons. En fait certains amphis et salles de travaux dirigés étaient “occupés”. Si l’entrée des forces de l’ordre pouvait s’envisager côté Jussieu, elle semblait plus difficile côté St Bernard.
Nous parlions de plus en plus d’une entrée imminente de la police sur notre campus.
Un soir, on nous demanda, sur les conseils d’un de nos assistants en Biochimie, qui n’aimait pas trop nos plaisanteries du moment, d’aller explorer la concentration et l’emplacement des forces de police dans le Quartier Latin. . J’utilisais en cette période de grèves des transports, la grosse Simca Chambord de mon père, une vieille beauté d’occasion au toit blanc, à la robe noire et aux pneus flancs blancs! Au moment de sortir, j’aperçus notre assistant dire quelques mots à celui qui nous ouvrit les grilles . Un fois à l’extérieur du campus nous remplîmes sans encombres notre “mission” mais au retour à Jussieu, les grilles restèrent fermées, l’accès à l’intérieur du campus nous fut refusé, sans que l’on nous donnât la moindre explication… Il était plus de minuit, et nous étions Lorenzo et moi autant furieux qu’intrigués. Je le raccompagnai chez lui et je rentrai chez moi…
Y a-t-il un âge pour vivre une révolution…
Dans notre café, les clients ne commencèrent à m’interroger sur ces évènements qu’après les violentes répressions policières du 10 mai. Et le soir, les conversations s’enflammaient le plus souvent à l’heure de l’anisette et de la kemia. Il est vrai que nous avions une clientèle essentiellement composée de pieds-noirs, assez particulière, et pour elle, les solutions radicales s’imposaient: à la force, il fallait répondre par la force. La plupart d’entre eux n’étaient pas politisés, des petits représentants dans leur majorité, des amateurs de courses et de jeux de cartes, ils étaient surtout gênés par la grève des transports et par la pénurie d’essence. Et je lisais dans leur regard une certaine ironie mêlée d’incrédulité, lorsque pour leur expliquer ce qui se passait au quartier latin, j’employais les termes d’idéal , de révolution, d’avenir, d’un monde meilleur…
Peut-être n’étais-je plus assez convaincu de ce que je défendais? Pourtant dès le début, la jeunesse estudiantine nous appelait à retrouver la liberté d’oser et d’aimer, la liberté de dire et de refuser, la liberté de secouer cet arbre vieillissant aux nombreuses feuilles mortes pour laisser plus de sève aux jeunes bourgeons?
A 28 ans, j’avais fait une bonne partie du travail, qui consistait à ranger mes petits “paquets” plus ou moins bien ficelés… dans un coin de ma tête . Ces paquets où j’avais rangé mes peurs, mes actes manqués, mes défaites, mes regrets et mes remords, pour laisser la plus grande place à mes rêves, à mes espoirs, à ma vie future que je voulais belle. Celle que j’imaginais quand j’avais 20 ans, pour occuper les longues nuits de garde, durant ces deux années de service militaire, agitées par la guerre , en Algérie…
Et pourtant, c’est comme si je ne m’étais plus senti à ma place, y-at-il un âge pour vivre une révolution. Sur les murs de la ville, Paris écrivait et dessinait son Histoire sous forme d’affiches: “la Beauté est dans la rue” mais aussi “Usines occupées”. D’un idéalisme révolutionnaire on se dirigeait vers un mouvement revendicatif, comme si le rêve laissait place à la réalité, à celle des usines, des cadences, des salaires, des libertés syndicales. La violence de la répression policière contre les étudiants au début du mois de mai interpella une large partie de la population. Du Quartier Latin aux usines de Boulogne-Billancourt il y avait un court pas à franchir…
Récupération?..
“Récupération” , c’est le mot qui revenait de plus en plus fréquemment dans nos conversations. Avec ces centaines d’usines occupées, ces meetings et les grèves de plusieurs millions de salariés , la crise sociale annonçait la crise politique. L’apparition de Mendès-France et de Michel Rocard à Charléty lors d’un vaste meeting organisé par l’UNEF et les socialistes, mais boudé par les communistes, en fut un des indices. Mitterand enfoncera le clou le lendemain, en proposant ses services à la Nation, au cas où… Et puis les accords de Grenelle furent signés. De Gaulle s’éclipsa le temps d’un doute pour aller voir Massu en Allemagne, l’Assemblée Nationale fut dissoute, une grande manifestation de soutien au pouvoir parcourut les Champs Elysées et puis le carburant fut de nouveau distribué…La révolution touchait à sa fin et c’est peu dire qu’elle marquera notre societé de plusieurs grandes avancées.

Pour ma part, cette période me fit perdre le bénéfice de la préparation de mon certificat de génétique dont la session d’examen fut repoussée en septembre. L’innovation en la matière, nous permettait de prendre tous les documents possibles…Je pris donc, compte tenu de ma non-préparation, une brouette de livres et de cours…et je me souviens encore du nombre de pages que je dus compulser, hélas, sans succès.

Début juin, Lorenzo et moi partîmes en auto-stop rejoindre pour “récuperer” à notre manière… loin de toute cette agitation, dans son village natal de Cervaro , près de Monte Cassino.
Nous y fûmes accueillis par sa famille avec grande curiosité. Ses amis, impatients, nous pressaient de questions sur la situation en France. Nos discussions s’alimentaient de prédictions en prédictions et s’achevaient bien tard, tous les soirs, sur la petite place de l’église. Je n’oublierai jamais les personnages si pittoresques dont j’ai pu faire alors la connaissance: ce curé de la paroisse, fin gourmet et qui nous offrait génereusement les salles de pèlerins pour y faire notre sieste après de repas bien arrosés…de même que cet ingénieur naval, fort ingénieux…, ou ce véterinaire expert dans le tir aux pigeons
d’argile!

Fin Juin, de retour à Paris. Place du Tertre, une belle après-midi d’été, l’ombre fraiche et accueillante de la brasserie “La Bohème” m’attire, c’est l’heure du thé dansant. Un petit orchestre entame au bandonéon les premières notes d’un tango, je m’approche d’elle pour l’inviter à danser…
Oui, me répond-elle… Une nouvelle aventure commence, une révolution d’un autre type… mais il y eut un bel été…
“Si tout change
Et s’arrange
Il y aura des étés pour toi
Et pour moi
Tu verras…”
“Ça commence comme un rêve d’enfant”
Document sonore de la Radio Television Suisse sur Mai 68 ( un des nombreux…) :