Mon vieux Siemens…

Récit écrit en 2006

Vingt huit ans!…Mon vieux congélateur Siemens ne nous a pas encore lâchés, après tant d’années  de «bons et loyaux services» mais cela ne saurait tarder…Il vient de subir sa énième période de glaciation, environ 3 à quatre par an dont on calcule  le nombre à l’aide la formule:

                                                                       N= 1/E

dans laquelle E est l’épaisseur  de ma couche de flemme (ou de la couche de glace formée, qui est directement corrélée…)
On voit ainsi que le nombre de périodes est inversement proportionnel à l’épaisseur de cette couche. La dernière période a débuté début Janvier, date de la  dernière décongélation de mon vieux Siemens.Aujourd’hui, nettoyage de Pâques oblige, il en est à cette heure, à la fin de sa première période de glaciation…

Que signifie “glaciation”? Sur sept étagères qui le remplissent, trois sont des surfaces  de congélation, le reste supporte des paniers de rangement, et tout en bas se trouve  un tiroir recueillant …beaucoup d’aliments.
En période de glaciation, chaque plan de congélation se recouvre lentement et définitivement d’une couche de glace, c’est une sorte de  «calotte glaciaire»,  formée de véritables inlandsis d’épaisseur variable pouvant atteindre jusqu’à 3 cm ( dans le cas d’une période de flemme épaisse).
La paroi intérieure haute du congélateur se recouvre durant cette période d’une fine couche de poudreuse , qui va s’épaissir tout au long de la période de glaciation, en un véritable névé jusqu’à donner en haut, dans les deux angles du fond de consistants coins de glace, sous forme de blocs quasiment indestructibles…
De la même façon, on retrouve la même structure neigeuse, beaucoup plus compacte sur le plan de congélation du bas, au-dessus du dernier tiroir. Sous ce plan, du  givre s’épaissit tout au long de la période de glaciation, ce qui rend de plus en plus difficile l’action d’ouvrir le tiroir de rangement du bas, à moins de racler toute la neige. Ainsi, on peut recueillir dans ce tiroir en plus de tous les aliments atypiques, que l’on ne sait pas où ranger, une couche épaisse de neige qui rendrait jaloux  plus d’un  snowboarder!
A l’intérieur, deux tubes métalliques descendent sur toute la hauteur le long de chacun des angles du fond. Entre la paroi et ces tubes se forme également une couche de glace qu’il sera très difficile d’extraire…le moment du nettoyage venu.

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Je passe sous silence la course au transfert du contenu du congélateur dans les  sacs de conservation de produits congelés …Mais où les stocker en attendant? Un jour comme aujourd’hui…27°c côté balcon ouest et à l’est le balcon est encore trop chaud, donc on range trois sacs de congélation dans la chambre, store baissé, fenêtres entrouvertes…
Et la course à la décongélation commence! Pas le temps de s’attarder sur la  datation des fossiles découverts à chaque étage de congélation, enfouis dans la glace, une véritable aubaine pour les archéologues- légumologues : petits pois échappés de leur paquet saisis en dormant à côté d’un débris  de carotte, une rangée  de rondelles de poireaux perdus  à un autre étage, quelques haricots verts gracieusement répartis autour d’un touffe de brocolis…
Ici, à l’étage des  viandes, une cuisse de poulet…l’autopsie dira si elle est cuite ou pas.

Le ballet incessant des marmites d’eau bouillante débute : une marmite par étage, jusqu’à la fonte du dernier morceau de glace.  Le congélateur  s’est transformé en un véritable hammam aux  vapeurs qui préludent au premier concert de gouttes d’eau perlant à un rythme accéléré, cognant  le fond du tiroir du bas, prévu aussi à cet effet…

Vient ensuite le moment où il faut vraiment changer de tenue vestimentaire (oui c’est même trop tard là, car je peux tordre mon T-shirt) , puis ramasser à la serpillère, la fonte des glaces qui bien sûr se répand  sous le congélateur…

Pendant ce temps, il faut tendre l’oreille et à chaque “toc” ,  c’est alors un petit morceau de glace qui lâche prise et qui s’écrase… Quel bonheur ce petit bruit! Je ne connais rien de plus grisant dans ces circonstances. Mais quelle satisfaction lorsque c’est une plaque entière  de glace qui se détache, je la récupère et la réduis à néant,  sadiquement  dans l’évier de la cuisine sous un gros filet d’eau chaude !…Arrrgh ! Je suis sûr que mon regard devient alors mauvais !
Mais comme vous le savez, la vengeance, un plat qui se mange froid… ne doit pas m’égarer,  le temps presse.

Je  vais me mettre en short car  le bas de mes pantalons  est déjà bien humide… Au retour, je me munis d’un pic à viande, d’une pelle à tartes et d’une tige de bois de 60 cm de long (oui, la longueur est importante, c’est la profondeur du congélateur, vous allez comprendre l’usage de cette baguette). Ma tâche consiste à présent à  débusquer, à décrocher, à briser, à piétiner… à réduire en eau pour ne pas dire en bouillie, les morceaux de glace qui ont échappé aux vapeurs d’eau  bouillante et qui se sont nichés dans les angles au fond, sous les plans de congélations et jusque derrière ces maudits tuyaux dans chacun des angles . Tous les instruments y passent : le pic à viande, la pelle à gâteau, la baguette magique  en bois (pas tant que ça !), mon index,  plus le majeur, puis la main, le poing fermé,  le bras ou presque…pour ménager ces satanés tubes entourés de glace !

Bon…on en vient à bout ! Mais au sol, c’est une mare d’eau ; il faut encore éponger et tordre trois, quatre serpillères,  et encore… Vient ensuite  le moment crucial de rebrancher l’appareil, depuis Claude François, je ne sais pas comment dire mais…Je ne pense pas au sèche-cheveux mortel…non,  ma tonsure m’a dispensé depuis longtemps et du coiffeur et du sèche-cheveux.  Ça redémarre enfin. Et les aliments congelés ? Rupture de la chaine du froid ? Humm…pas bon tout  çà ! Alors je remplis  de nouveau le congélateur,  avec mauvaise conscience, et le sentiment de trahir la confiance de ma femme et celle de  mes enfants, bref de les empoisonner consciencieusement  à leur insu, avec des aliments rendus  avariés…en silence.

Mon vieux Siemens …il est costaud , mais il faut que j’en change, il faut que je l’enterre  avant que…

Depuis, il a rendu l’âme il y a plusieurs  années et laissé la place à son successeur doté théoriquement d’un dispositif de dégivrage automatique…Vous y croyez, vous ?…Et bien,  malgré cela, j’ai reconstitué mon stock de serpillères, qui s’est avéré quelques fois  encore bien utile…

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