“La tac-tacataca-tique du gendarme …”

Le Noble Art…
Mon propos n’est pas d’incriminer les gilets jaunes que je soutiens sur la plupart de leurs revendications,  ni de disculper les casseurs courageux qui se mettent à six ou sept, voire plus,  pour tabasser un gendarme à terre (je me suis élevé parmi les premiers sur Twitter, le 1er mai dernier, contre la sauvage agression de policiers,  aidés de… Benalla,  sur un manifestant terrassé  au sol) ni de glorifier ce « boxeur» à la retraite, en mal de combats et de contrats, indigne d’être désigné comme  boxeur, tant la boxe a toujours été considérée comme «le Noble Art»  parmi les sports. Mais je veux comprendre pourquoi et comment un dispositif policier aussi musclé peut se faire déborder dans une manifestation ?

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La passerelle  Leopold Sedar Sengor…
Vous avez peut-être remarqué  comme moi cette vidéo devenue virale depuis,   tournée sur la passerelle Léopold  Sedar Senghor, où l’on aperçoit un gendarme transformé en « punching ball » sous les coups de poings d’un «boxeur», qui lui inflige une magistrale série de directs et de crochets au visage. Ce gendarme est heureusement protégé ( ?) par son casque à large visière, mais on devine qu’il accuse avec courage et difficulté des coups très violents…
En effet, au regard des images de cette vidéo en particulier, on aperçoit derrière le gendarme agressé muni du bouclier, son  collègue, déjà bien en mal pour sortir sa matraque, qui le «pousse» vers son agresseur ( pour ne pas le laisser reculer ?) en lui maintenant fermement son épaule, donc nulle esquive ou  échappatoire  ne pouvait  lui être  permise. Et il prend résigné coups sur coups… Deux autres gendarmes porteurs de boucliers,  témoins du pugilat,  se trouvant à un mètre derrière lui,  reculaient lentement matraque à la main, comme à l’exercice…sans avoir le réflexe de neutraliser cet agresseur et de venir en aide à leur collègue…Belle image du dicton « Force reste à la Loi »

Sur les Champs, à reculons…
De même sur les Champs Elysées, la télé montrait un peu plus tard, le mouvement de repli d’un groupe de gendarmes dont la chorégraphie, bien coordonnée,  était  digne de  celles  du corps de ballet de l’Opéra de Paris : on y voyait un groupe de gendarmes, organisé en carré, le bras gauche sur l’épaule de leurs collègues situés devant eux , remontant à reculons l’avenue, marquant de courtes pauses avant de repartir dans le même ordre vers leur position de repli située à une cinquantaine  de mètres plus haut…On se demande bien pourquoi adopter une telle stratégie de déplacement alors qu’on ne devine pas dans les environs proches de  ce groupe de gendarmes  des manifestants agressifs. Leur progression  en ordre et à reculons m’a fait penser  aux mouvements ordonnés des centuries romaines toujours  décimées par nos célèbres   Astérix et Obelix…
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Dans un binôme qui prend les coups ?…Et  qui  les donne ?…
Au vu de ces images, je me suis donc demandé pourquoi ce pauvre gendarme  avait  subi une telle volée de coup de poings,  alors que ses  trois  collègues qui l’accompagnaient n’avaient pu intervenir  pour le soustraire à son agresseur. Etait-ce la peur, la surprise, ou les consignes données qui en étaient les raisons ? Etait-ce  leur tactique de déplacement ?…J’ai voulu en savoir davantage. En  consultant l’organisation et les principes tactiques de Compagnies Républicaines de Sécurité (cas de la CRS  17 de Bergerac),  la technique de maintien de l’ordre, impose  aux hommes  certains schémas de déplacements et des rôles tactiques.
Ainsi dans la composition d’une section d’appui et de manoeuvre, il existe à côté des chefs de section, des chefs de groupe, des lanceurs de grenades et du conducteur,  des binômes composés de deux gendarmes.
Le binôme est constitué d’un « agent bouclier,  chargé de protéger son groupe et  d’assurer le front de contact,  guidé et protégé  par l’agent d’appui avec lequel il est binômé » et d’un «  agent d’appui, assurant le guidage et la protection de l’agent bouclier,  et procédant aux interventions » Ainsi dans une section d’intervention composée de 16 fonctionnaires, on compte 4 binômes dont 4 porteurs de boucliers. Il est précisé plus loin :
«…l’organisation du personnel en binôme permet d’assurer sa protection, sa cohésion et sa mobilité …par principe et sauf instructions particulières, les binômes sont constitués au début du service et ne sont jamais séparés. »
Donc  la structure de base est composée de deux hommes, l’un derrière l’autre et ils ne doivent pas se séparer, sauf si…

Lors  de l’agression du gendarme sur la passerelle, la section d’appui à laquelle il appartenait devait être bien désorganisée, puisque, on le voit bien, il se trouvait derrière lui deux porteurs de boucliers,  inopérants  du fait qu’ils avaient perdu leurs agents d’appui…Quant à l’agent d’appui du gendarme agressé, il n’avait   apparemment pas pu accomplir son rôle protecteur vis-à-vis de son binôme tant il voulait le maintenir debout  malgré le déluge  de coups que ce dernier recevait…


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Si on intervenait tout de suite…
Il est vrai que les images que l’on nous donne des manifestations nous montrent  des forces de l’ordre très tenaillées dans des dispositifs qui ne les rendent pas très mobiles du fait de leurs structures. Comment la réactivité de ces gendarmes face à la mobilité des black-blocs est-elle efficace  quand on suit le « principe de gradation » ?

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«Ce qu’on ne comprend pas, c’est les manifs où le Préfet nous fait attendre que tout soit saccagé, détruit, les voitures, les vitrines, pour intervenir. On nous laisse se faire injurier, cracher dessus pendant des heures et puis après remonter dans les cars, alors que si on avait pu en attraper quelques-uns….Si on intervenait tout de suite, souvent ce serait terminé en une demi-heure. » (1) C’est ce que confiait un CRS,  il y a une trentaine d’années…,  je crois que ces propos restent toujours actuels lorsque l’on voit les confrontations entre black-blocs et les forces de l’ordre  de ces derniers mois.

« La doctrine française du maintien de l’ordre […] repose sur deux principes simples : prévenir les troubles pour ne pas avoir à les réprimer et éviter l’usage des armes en faisant preuve, jusqu’aux dernières minutes, de calme et de sang-froid. »
C’est ce qu’on lit  dans un rapport très détaillé (2)  remis en 2015 par une commission d’enquête  de l’Assemblée  Nationale  sur les modalités du maintien de l’ordre républicain.
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On serait les meilleurs ?…
Alors que des tronçons de la capitale étaient  ravagés par les casseurs, le Général Bertrand Cavalier, expert en maintien de l’ordre, affirmait sur Europe1 début mai 2018 : «  Il y a une véritable culture du maintien de l’ordre français qui s’est imposée à la plupart des forces de sécurité étrangères, c’est un modèle.» Je ne sais pas si cela consolera le pauvre gendarme massacré de coups sur cette passerelle, mais semble-t-il, c’est vrai, au point que les polices du monde entier font appel à la France, pour se former. En 2017,  près de 40  formations ont eu lieu dans 30 pays différents. Nos CRS ont initié 1500 stagiaires aux techniques du maintien de l’ordre, entre autres  techniques d’intervention.
Les chiffres annuels (3) sont significatifs : de mai 2017 à mai 2018, ont eu lieu 7500 évènements en maintien de l’ordre pour la Préfecture de Police de Paris !

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Quid des autres pays européens quant au maintien de l’ordre ?
Le rapport cité plus haut, souligne particulièrement l’originalité de nos amis britanniques, puisque les unités de maintien de l’ordre ne sont pas structurées de manière permanente. La police se situe parmi la foule…au contact, ce qui les expose davantage aux provocations et aux violences, mais la réponse aux troubles vient  à posteriori : les peines prononcées sont généralement sévères et très médiatisées. A méditer…

Le crime ne paie pas ?…
Revenons à notre boxeur, qui s’est présenté à la Police deux  jours plus tard, mis en garde à vue depuis hier , une cagnotte a été lancée sur un site internet pour subvenir aux besoins de ce pauvre hère qui a quand même une famille…à défaut de cerveau, et qui lui a rapporté plus de 100.000 € !

Le crime ne paie pas…

(Le titre fait allusion à une chanson du très célèbre comédien Bourvil )

(1) “Le maintien de l’ordre : technique et idéologie professionnelles des C.R.S.”
Dominique Montjardet, Déviance et société. Année 1988, 12-2, pp.101-126.

(2) “Rapport fait  au nom de la Commission d’Enquête chargée d’établir un état des lieux et de faire des propositions en matière de missions et de modalités du maintien de l’ordre républicain, dans un contexte de respect des libertés publiqueset du droit de manifestation, ainsi que de protection des personneset des biens.”
Noël Mamère , Président. Pascal Popelin, Rapporteur.
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 21 mai 2015.

(3) “Mai 2017-2018 : une année de mobilisation exceptionnelle pour les forces mobiles”


 

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